Shéhérazade raconte tous les soirs des histoires au roi. Des histoires qu'elle a regroupées du fond de l'Egypte, mais qui sont riches en morale. Aujourd'hui, elle raconte l'histoire du sage ministre et des lions
Il était une fois un ministre sage et rusé qui savait sortir gagnant de toute situation. Le roi avait toujours besoin de ses conseils et idées pour élaborer des plans infaillibles et le ministre avait toujours une solution pour chaque situation. Quand les ennemis du roi dans les royaumes avoisinants se manifestèrent, le ministre a su leur faire peur. Il a dit au roi d’apporter un troupeau de lions et de les garder tout le temps affamés, l’ennemi qui est pris en otage sera offert aux lions.
La rumeur parcourait les autres royaumes et tout le monde a su se calmer. Le roi évidemment garda les lions affamés. Il ne savait pas si les ennemis allaient chercher à changer d’avis ou non. Douze ans se sont écoulés alors que le roi continuait à profiter des services du ministre.
Après douze ans, le roi découvre la fourberie du ministre qui n’était pas toujours honnête et qui n’a pas toujours préservé les intérêts du peuple. Le roi le confronte et le ministre reconnaît ses torts, demande pardon et réparation. Le roi ne semble pas vouloir fléchir. Autour de lui, les autres ministres et les conseillers le remontaient contre son ministre-allié.
Le roi a réfléchi plusieurs jours et a décidé de faire endurer au ministre le supplice qu’il avait lui-même inventé. « J’ai décidé de vous jeter aux lions affamés. Cela fera de vous un exemple pour tous ceux qui veulent faire des erreurs».
Le ministre était choqué, il n’aurait jamais cru que le sort lui a réservé une mort aussi atroce. Il a essayé de se défendre : «Votre altesse, j’ai fait des erreurs, je le reconnais, mais l’erreur n’est-elle pas humaine ? Votre altesse, je vous ai servi avec beaucoup d’humilité et d’amour. J’étais votre loyal serviteur, même mes erreurs n’étaient pas un acte de trahison envers vous. Evincez-moi, emprisonnez-moi, mais ne m’offrez pas aux lions».
Le roi a refusé de prêter oreille au ministre, et les supplications ne servirent pas à grand-chose. Leur roi n’avait pas l’intention de revenir sur sa décision. Le ministre avait en effet moyennant ses relations su obtenir une grande terre d’une centaine d’hectares pour y construire un palais. Le roi n’a pas aimé que l’un des responsables qui lui sont proches commette une infraction pareille. Même si ce n’était pas le cas constamment.
Le ministre a alors demandé au roi de lui accorder douze jours. « J’ai été votre humble serviteur, alors, je crois que je mérite douze jours de liberté avant d’être exécuté. Il y a bien des choses que je dois faire avant mon départ de ce monde ».
Le roi consentit. Pendant les douze jours, le ministre allait quotidiennement voir le gardien des lions, lui donnait des pots de vin pour qu’il accède à la cage des lions. Douze jours pendant lesquels, le ministre arrive tous les jours pour nourrir les lions d’une excellente viande. Au début, les lions étaient affamés, petit-à-petit, ils commencent à l’aimer et à l’attendre. Les lions étaient finalement domptés par le ministre.
Le jour de l’exécution est arrivé : le roi arrive pour y assister. Il s’attend à ce que les lions dévorent le ministre. Mais, les lions dès qu’ils le voient s’agenouillent en guise de respect. Ils n’ont pas oublié l’homme qui les a nourris et soignés au cours des derniers douze jours.
Le roi a été choqué, le ministre lui a dit : « J’étais leur humble serviteur au cours des derniers jours, ils m’ont épargné la mort. Douze jours ont suffi pour qu’ils restent loyaux à mon égard. Je vous ai servi douze ans et vous n’arrivez pas à me pardonner pour une infraction ».
Emu par la sagesse et la ruse du ministre, le roi donna ses ordres de le libérer. Il lui proposa à nouveau de devenir son humble serviteur. Mais, celui-ci a refusé.
Pour le reste de ces jours, le ministre a décidé de s’occuper des animaux dans une ferme située à la lisière du royaume. Dans ce nouvel univers, il s’est éloigné de la tentation, mais aussi de l’ingratitude.